“L’étang de Berre est la plus vaste lagune méditerranéenne française. Comme toutes les lagunes, son écosystème est particulièrement fragile et sensible, mélange de mer et de cours d’eau douce qui serpentent à travers un bassin versant industriel et agricole. Ses déséquilibres sont fréquents et pourtant nuancés, presque délicats quand ils ne sont pas grossiers, la crise anoxique de l’été 2018 a décimé une grande partie de sa faune aquatique. Exutoire de la Durance, l’énorme masse d’eau saumâtre doit composer avec les limons charriés depuis les vallées, sous lesquels s’enfouissent, peut-être heureusement, les vieilles pollutions aux dérivés de pétrole, et les palourdes, coquillage à l’existence modeste qui n’a guère besoin qu’un peu de vase et d’oxygène. La grosse rivière qui dévale du sommet des Anges, les hommes ont cru pouvoir la mater. Évidemment, ils y sont parvenus. Ils l’ont canalisée, ils la turbinent. Alors, l’étang est ce que ces aménagements ont fait de lui.
Écrire la lagune, celle de l’étang de Berre, c’est s’en remettre à ses peuples, aux grands cormorans, aux sternes naines, aux butors étoilés, aux zostères, aux anémones fantômes, aux cténophores, aux syngnathes, aux hippocampes. C’est aussi naviguer dessus, plonger dedans, vivre tout contre. C’est enfin exercer un tout petit mandat politique, choisir quoi faire de lui : le rendre à sa nature, le laisser poursuivre son chemin, pour que dans des milliards d’années, il redevienne peut-être la plaine forestière qu’il était avant les dernières glaciations, ou alors, le plier à nos besoins et à nos envies, par une coexistence pacifique.
Y nager, y pêcher, construire nos existences sur ses rives.
Écrire la lagune, c’est s’y intéresser. “
